Depuis dix ans, l’économie circulaire a investi les rapports RSE et les campagnes marketing des entreprises. Pourtant, sur le terrain industriel, la circularité reste souvent cosmétique et peu structurante pour les modèles d’affaires.
Les chiffres dessinent un constat précis et difficile à ignorer, ils demandent une révision profonde des chaînes de valeur. Ces constats appellent des points essentiels listés ci-dessous.
A retenir :
- Priorité à la conception réparable, modulaire et réutilisable dans l’industrie
- Intégration de la circularité à chaque étape des chaînes de valeur
- Business model orienté usage, performance et durabilité plutôt que vente
- Actions concertées des startups, PME et grands groupes pour systémiser
Business model économie circulaire : opportunités pour les startups
Poursuivant les priorités identifiées, les startups peuvent intégrer la réparabilité dès la conception des produits. Leur agilité permet d’expérimenter des modèles tels que l’abonnement, la location ou la revente reconditionnée.
Les jeunes entreprises testent de nouveaux matériaux et circuits courts tout en prouvant la viabilité économique de la circularité. Selon Schoolab, ces pilotes servent de preuve de concept pour des acteurs plus établis.
La force des startups réside dans leur capacité à changer rapidement les spécifications produits et les parcours clients. Elles rencontrent cependant des défis importants pour passer à l’échelle industriel sans perdre leur ADN.
Ce panorama invite à examiner des leviers concrets et des exemples de réussite, avant d’aborder les enjeux des PME. Le passage suivant montre des pratiques reproductibles à plus grande échelle.
Leviers pour startups :
- Design for repair et documentation technique ouverte
- Offres en abonnement et services liés à l’usage
- Partenariats locaux pour recyclage et réemploi
- Tests rapides produits et feedback utilisateur intensif
Modèle
Exemple
Avantage
Limite
Reconditionnement
Back Market
Valorisation des biens électroniques
Logistique inverse complexe
Location / abonnement
Hopaal (textile en exemple)
Revenus récurrents et fidélisation
Besoin de maintenance systématique
Réparation à la demande
Murfy
Réduction des déchets et prolongation
Capacité technique locale limitée
Recommerce spécialisé
Recommerce
Chaîne dédiée au reconditionné
Dépendance à la qualité d’approvisionnement
Économie de fonctionnalité et abonnement
Ce lien avec l’usage se traduit par une offre qui valorise la performance plutôt que la propriété. Les startups commercialisent l’accès au service et conservent la responsabilité de la durabilité du produit.
Par exemple, Hopaal a expérimenté des systèmes d’abonnement pour vêtements durables, réduisant ainsi le taux d’obsolescence. Selon Schoolab, ces configurations favorisent la circularité dès l’origine matérielle.
Tableau comparatif des modèles d’abonnement :
Type d’offre
Service
Exemple
Indicateur clef
Abonnement produit
Accès limité dans le temps
Hopaal
Taux de réutilisation
Maintenance incluse
Réparations et pièces
Murfy
Durée de vie moyenne
Reconditionnement
Remise à neuf et vente
Back Market
Taux de retour valorisé
Usage partagé
Mutualisation d’actifs
Modèles locaux
Taux d’utilisation
Recyclage local et choix matériaux
Ce pilier confirme l’importance du réemploi des matériaux pour réduire la demande de matière première vierge. Les startups testent des boucles locales pour diminuer la dépendance aux transports longs.
Des acteurs comme Phénix et Les Joyeux Recycleurs proposent des schémas de collecte et de redistribution adaptés aux territoires. Selon Circle Economy et Deloitte, moins de 7 % des matériaux mondiaux sont aujourd’hui réemployés.
« J’ai lancé notre offre d’abonnement pour prouver que durabilité et rentabilité sont compatibles. »
Claire S.
Modèles circulaires pour PME : leviers et obstacles concrets
Après l’agilité des startups, les PME disposent d’atouts concrets pour opérer la circularité localement et au sein des filières. Leur connaissance des fournisseurs et des clients facilite des initiatives pragmatiques et rapides.
Beaucoup de PME manquent cependant d’accès au financement et aux compétences nécessaires pour structurer ces démarches. Selon Eurostat, la part de matières recyclées dans l’Union européenne reste proche de onze à douze pour cent.
Pour transformer leurs pratiques, les PME peuvent mutualiser, reconditionner ou créer des services de réparation. Cette étape prépare l’enjeu suivant, celui de la transformation à l’échelle des grands groupes.
Actions opérationnelles :
- Récupération et reconditionnement de pièces en interne
- Mutualisation logistique avec acteurs locaux et clusters
- Partenariats avec recycleries et réparateurs indépendants
- Formation aux compétences techniques et managériales
Initiative
Impact
Exemple
Obstacle
Reconditionnement interne
Réduction des achats neufs
Atelier local de pièces
Investissement initial
Logistique partagée
Moindre coût de collecte
Flux mutualisés territoriaux
Coordination entre acteurs
Reprise produit
Accès à matière secondaire
Programmes avec magasins
Traçabilité limitée
Réparabilité intégrée
Allongement de la durée de vie
Repar’stores et ateliers
Formation technique requise
Mutualisation logistique et recyclage en circuit court
Ce point montre comment la coopération locale diminue les coûts et augmente la résilience des chaînes d’approvisionnement. Les PME peuvent partager entrepôts, tournées et plateformes de collecte pour rationaliser les flux.
Des initiatives comme Les Ripeurs ou La Recyclerie illustrent la puissance d’actions territoriales coordonnées. Selon Eurostat, sans réduction de la consommation, le recyclage ne pourra dépasser une part significative au-delà d’un certain seuil.
« En mutualisant nos tournées, nous avons réduit nos coûts et trouvé des débouchés pour les retours clients. »
Marc D.
Financement et compétence : leviers manquants
Ce sujet expose la nécessité d’outils financiers adaptés pour des projets circulaires à horizon moyen terme. Les PME requièrent des instruments qui couvrent la rénovation d’ateliers et la digitalisation des inventaires.
Les programmes d’accompagnement et les incubateurs peuvent combler ces lacunes en apportant expertise et mise en relation. Le passage suivant examine comment les grands groupes peuvent amplifier ces efforts à l’échelle industrielle.
Transformation systémique des grands groupes : normes et leviers
Ce constat adressé aux PME éclaire le rôle disproportionné des grands groupes dans la diffusion de la circularité industrielle. Lorsqu’ils agissent, ces acteurs entraînent des fournisseurs et des partenaires vers de nouveaux standards.
Les grands groupes peuvent imposer l’éco-conception, la réutilisation d’emballages ou des clauses d’approvisionnement durable. Selon Circle Economy et Deloitte, le taux mondial de réemploi matériel reste faible, 6,9 % à l’échelle globale.
Pour transformer le système, il faut repenser la finance, les processus industriels et les incitations clients. Ce point prépare l’examen des outils concrets utilisables par ces entreprises majeures.
Leviers stratégiques :
- Intégration d’exigences réutilisables dans les appels d’offres
- Investissements dans infrastructures de démantèlement et recyclage
- Partenariats publics-privés pour échelles de collecte
- KPIs liés à la durée de vie et à la réparation
Initiative
Effet chaîne
Exemple
Impact écosystème
Éco-conception produits
Facilite démontage et réemploi
Automobile modulable
Standardisation fournisseurs
Emballages réutilisables
Réduction de déchets d’emballage
Boucles de consigne
Effet levier sur PME
Programmes de retour
Alimentation des filières de reconditionnement
Loop et initiatives similaires
Ville-niveau collecte renforcée
Financement circulaire
Soutien aux infrastructures long terme
Fonds dédiés entreprises
Stabilité des filières
Reconception produit et chaîne de valeur
Ce pilier met l’accent sur la nécessité de penser les produits pour une seconde vie dès la conception. Les grands groupes disposent des ressources pour définir des spécifications qui favorisent le démontage et la réutilisation.
Des initiatives comme Loop prouvent que la consigne à grande échelle est techniquement faisable et économiquement pertinente pour certains segments. Selon Circle Economy et Deloitte, sans baisse de la consommation, le recyclage plafonnera autour d’un quart.
« Imposer des critères circulaires aux fournisseurs a changé notre façon d’acheter. L’effet a été immédiat pour la filière. »
Nathalie R.
Nouveaux KPIs financiers et modèles de revenu
Ce point aborde la nécessité d’adapter la comptabilité et les métriques pour valoriser la durabilité et l’allongement de vie produit. Les revenus récurrents remplacent en partie les ventes unitaires.
Des instruments financiers innovants permettent d’amortir les investissements d’infrastructure et d’atelier. En donnant l’exemple, un grand groupe peut inciter Recommerce et d’autres acteurs à standardiser les flux.
« À mon sens, la transformation impose une vision long terme et des métriques adaptées par produit. »
Thomas P.
Ces exemples montrent que la circularité exige des actions coordonnées entre acteurs et politiques publiques. Le rôle exemplaire des grands groupes peut accélérer l’adoption à l’échelle territoriale et sectorielle.
Si les entreprises conjuguent conception, chaîne de valeur et modèle économique, la circularité devient un levier stratégique durable. L’application concrète de ces principes reste la condition du succès collectif.
Source : Circle Economy et Deloitte, « Circularity Gap Report 2025 », 2025 ; Eurostat, « Statistiques sur le recyclage », 2024 ; Schoolab, « Un an à la conquête de l’entrepreneuriat circulaire », Schoolab, 2024.